LES ÉLUCUBRATIONS.

Don't let me know if it hurts you, I don't want to be your friend that you turn to.

Le souffle court, elle se contente de courir et de ne plus penser à la douleur cuisante qui s’installe dans ses poumons. Elle serre son butin contre elle, de peur de le laisser tomber. Au bout de quelques secondes, un sourire éclaire son visage. Elle l’a fait : elle a récupéré le coffret tant désiré. Certes, elle ne l’avait pas acquis par le biais de moyens très légaux, mais qu’importe : dans quelques jours, elle serait immensément riche. Elle ralentit le rythme au fur et à mesure, jeta enfin un regard derrière elle et remarqua, soulagée, que personne ne l’avait suivi. Miranda avait commis son premier cambriolage et la plaisante adrénaline qu’elle venait de ressentir laissait présager que ce ne serait pas son dernier.

Je referme le bouquin en soupirant. Si la réalité était aussi simple, je ne passerais pas des heures assise sur un banc à épier mes prochaines victimes. Je ferme les yeux, m’étire, allonge mes jambes et souhaite que le temps passe plus vite. Il est à peine dix heures, je suis déjà assise sur ce banc plutôt inconfortable depuis une heure et vingt minutes. J’avais appris la patience : il ne fallait pas se décourager, mais j’en avais marre. J’étais fatiguée, je ne dormais plus depuis des jours, tournant sans cesse, ressassant tous mes soucis. Soucis qui n’étaient pas si nombreux, finalement. Mais on risquait de m’arrêter, de découvrir mes secrets, et je détestais avoir cette épée de Damoclès au-dessus de ma tête. Un bruit me sort de ma rêverie. Je relève le visage : le propriétaire sort enfin de sa maison. Les enfants sont à l’école, la mère au travail depuis huit heures, et le père partait enfin. La boule au creux de mon estomac se desserre enfin. J’ai cru qu’il ne partirait jamais et mettrait ainsi tout mon planning en péril. Je range le livre dans mon sac à dos, me lève du banc, attend encore quelques secondes que l’homme de la maison, au volant de sa voiture, ait tourné à l’angle de la prochaine rue. J'inspire une grande bouffée d'air, une dernière fois, jette un regard autour de moi : personne aux alentours, aucun passant ne se promène, pas de voitures, et surtout, surtout, pas de voisins curieux à leurs fenêtres. Je traverse la rue, pousse le portail de la petite maisonnette, arrive devant la porte d'entrée. Je sors de ma poche arrière une vieille carte bleue et une pince à cheveux. Je force la porte, comme une star de cinéma l'aurait fait dans un film d'action américain. Tout se passe sans difficulté. Je sais ce que je désire : j'ai observé assez de temps leur vie familiale pour savoir ce qu'ils possédaient et où le ranger. En moins de vingt minutes, je remplis mon sac à dos. Je fais tomber des objets, ne les ramasse pas. Ils auront bien le temps de ranger, en constatant les dégâts. Je sors de la maison, referme le portail derrière moi. Je marche d'un pas rapide pour finalement me mettre à courir. Un sourire aux lèvres, comme à chaque fois, je me rappelle que, finalement, cette vie n'est pas si dure qu'elle pourrait paraître.

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J’avais appris à ne pas m’attacher et surtout, à ne pas penser au mal que je pouvais faire. Se faire cambrioler n’était jamais une partie de plaisir, mais je ne pensais plus aux victimes. Au début, bien sûr, je me morfondais sur eux, me reprochant de leur faire du mal. Et puis, j’ai appris. Leur destin, leur réaction ne m’intéressent pas. Tout ce que je fais, je le fais pour moi. C’est pour ça que tromper ce garçon, au départ, ne m’inquiétait pas. Je n’éprouvais aucune peine pour lui. Et puis, et puis …

« Je vais faire un tour en ville. Tu m’accompagnes ? » Sortant le nez de mon livre, je le regarde, hausse les épaules. J’aurais préféré rester ici, au chaud. Ne rien faire, oublier, juste quelques instants. Il enfile sa veste sans me quitter du regard, il attend certainement ma réponse mais je ne sais pas quoi lui répondre. Oui, non, je n’ai absolument pas envie de me promener avec toi ? Il met tellement d’espoir en moi que je me sens parfois sous pression. J'aimerais parfois lui jeter mon bouquin à la tête, et lui dire que je n'en ai rien à faire de ses propositions stupides. Pourtant, sa gentillesse m'en empêche. Aucun garçon, aucun homme avant lui ne m'a considéré de cette manière. Il est doux, attentionné. Mais je refuse de m'attacher, de m'abandonner à ces sentiments étranges et inconnus, si lointains de la personne que je suis devenue. « Non. Non, je préfère rester ici. » Il soupire, exprimant certainement le regret de mes refus conséquents. Je baisse le regard, n'osant plus affronter son regard triste. S'il savait qui j'étais réellement, m'aimerait-il toujours autant ? Me regarderait-il de la même manière ? J'en doutais. Je me rappelais sans cesse que si j'étais avec lui, c'était simplement par protection. Il ne m'avait pas attiré, et il ne devrait jamais m'attirer. Du moins, c'est ce dont j'essayais de me convaincre. Qui aurait cru qu'un jour sa gentillesse puisse m'attendrir ? Fronçant les sourcils, je chasse cette idée de mon esprit et ajoute d'un ton froid : « On ne va pas rester collés, sans cesse. J'ai besoin de rester seule. » Il affiche un air penaud, attristé par ma froideur. Je me mords la lèvre mais ne regrette pas mes paroles : c'est pour mon bien. Pour notre bien, à tous les deux.