ordre de passage:
- solvej hibsen
- else hummel
- edith bager
- Lone Torbjørg

On était mardi, Solvej errait dans son appartement à la recherche de son cours qu’elle avait perdu. Son petit deux mètres carrés s’était retrouvé sans dessous dessus, jusqu’à ce qu’elle abandonne avant d’appeler son amie. Elle lui enverrait les cours par e-mail. Il y allait avoir encore des heures de recherche, et la jeune fille s’en mordait déjà les lèvres. Elle regardait sa montre qui indiquait dix sept heures. Inquiétée par son retard incessant, elle regarda à droite et à gauche, chopa un vieux sweat gris chiné et des vieilles baskets et sortie de son appartement en deux trois mouvements. Ses longs cheveux bruns l’embêtaient à se mélanger avec la douce brise danoise, alors elle se les monta en chignon. Elle monta sur son vieux vélo des années 90, et roula jusqu’au charmant petit kaffe qu’Else tenait. En effet, tous les mardis, la jolie fille s’offrait quelques heures de repos en pensant à rien mais que s’amuser avec son amie. Elles avaient monté une petite association où on pouvait apprendre à y faire de la cuisine en tout genre, et les gens venaient. C’était leur moyen de penser à autre chose, oublier le reste, l’enfouir bien loin. Sigmund lui avait laissé ses mardis libres depuis, elle était censée bosser mais préférait fumer des joints et s’amuser à cuisiner avec ses copines.

Elle arrivait dans la rue du Kaffe, et déposa son vélo dans l’arrière-boutique. Elle avait dans son sac, du beurre de cannabis -la meilleure solution pour cuisiner toutes sortes de gâteau avec le mot ‘space’ devant. Elle entra dans la boutique, le déposa sur le côté, et cherchait son amie. -Else, t’es là? Else, c’était sa pote ‘d’odense north’ comme Solvej disait quelques fois. En effet, quand la brunette se retrouvait seule dans le quartier et s’ennuyait, un petit coup de fil à la jolie fille et elles se retrouvaient pour en fumer un petit, parler de leurs problèmes, délirer en oubliant les conséquences. -Y’a combien de personnes aujourd’hui tu sais? Du à son habitude, Solvej commençait à préparer la cuisine: elle sortit des plats, de la farine, de la poudre de chocolat, du beurre -sans THC cette fois-ci, du sucre, des oeufs, etc. Le beurre laissé dehors permettait de rendre la texture des cupcakes plus onctueuse. -Le beurre de Sigmund est dans la salle, disait-elle à l’attention d’Else qui était enfin devant elle. Elle passa sa main frêle dans ses mèches rebelles qui tombaient du chignon. La cloche de la porte d’entrée sonna, c’était une jolie brune qui entrait. Solvej ne l’avait jamais vu mais elle dégageait un je ne sais quoi qui aurait pu mettre n’importe qui à l’aise en quelques secondes. Solvej fit un signe de tête à Else pour qu’elle aille mettre cette nouvelle fille à l’aise, même si ce n’était pas le genre de la jeune fille. M’enfin. -D’ailleurs, Else, y’a personne là, ça dérange si j’m’allume une clope? Par réflexe, la cigarette était déjà dans le coin de sa bouche, prête à être allumée.

Spoiler:

vous êtes en retard pour le thé.

La pièce tombe au sol, fait un bruit de ferraille. Bruit métallique. Je souris. Derrière mon bureau, j’observe la tour fragile constituée de pièces qui se dresse face à moi, construite par mes soins. Et mon regard tombe sur la montre posée à ses côtés, vieille mécanique mal réglée, toujours en retard. Mais je n’oublie pas, je sais qu’on est mardi, et que c’est bientôt l’heure, que bientôt les personnes allaient venir à l’atelier cuisine. Ici. Un sourire étire mes lèvres. Je porte le joint à ma bouche, tire dessus et laisse la fumer faire son parcours. « Else, t’es là ? » Je sursaute en entendant la voix de Solvej, je pourrais la reconnaître entre mille, les yeux fermés, même pas besoin de réfléchir trop longtemps. Je sais qu’elle est là, adorable demoiselle. La plus belle. Je me lève, écrase ce qu’il reste du joint dans le cendrier et, d’un geste de la main, renverse la tour de pièces. Je quitte le bureau trop petit, mon antre, et me dirige vers le ‘‘laboratoire’’. L’endroit le plus grand de la boutique certainement, mon coin préféré. La jolie brune est déjà là, il est temps de reconnecter le cerveau, de s’avancer, faire un pas. J’ai soudainement l’envie de la serrer dans mes bras. « Y a combien de personnes aujourd’hui tu sais ? » me demande-t-elle en commençant à sortir ses ingrédients, comme à la maison. « Nous serons cinq, normalement. » Mes yeux observent ses gestes, je souffle sans même relever mon regard vers elle, je mordille ma lèvre. Je fais un pas, puis deux, hypnotisée par ses gestes, je me décide enfin à me planter face à elle. « Le beurre de Sigmund est dans la salle. » La phrase m’arrache un sourire, mes doigts nerveux tapotent ma cuisse alors que je relève mes yeux sur elle. J’avance d’un pas, tend enfin ma main vers elle, prête à l’enserrer dans mes bras, assouvir l’étrange envie qui me prend à l’instant. Le geste est avorté lorsque la porte s’ouvre et qu’une brune entre à son tour, je me pince les lèvres, ma main retombe mollement. Je vois le regard de Solvej, elle s’attend à quoi ? Que je m’avance vers cette inconnue et la serre dans mes bras ? Je ne sais pas ce qu’elle veut, je la regarde bêtement. « D’ailleurs, Else, y’a personne là, ça dérange si j’mallume une clope ? » Elle m’arrache à mes pensées, je papillonne des yeux. « Non, vas-y, fais comme chez toi. » Fais comme chez toi. C’est une phrase que je ne dis pas à n’importe qui, au premier venu, mais c’est étrangement la seule qui me vient à l’instant lorsque je me tourne vers la brune qui vient d’entrer. « Bonjour, fais comme chez toi. » J’appuie bien chaque mot, me fend d’un sourire, et voilà la mécanique enclenchée, mes lèvres qui se délient et le flot de paroles qui en sort. Incontrôlable, comme à chaque fois. « Edith ? Elva ? Lone ? Est-ce que tu prendrais bien une petite tasse de thé ? Noir ? Bergamote ? Citron ? Avec une pointe de lait ? »

Le boulot est enfin terminé ! Avec toute ces réunions de nouveaux projets, j'ai bien cru qu'elle n'allait jamais se terminer. Vu l'heure, je sens que je vais être en retard au cours de cuisine au kaffe. Ça va me faire du bien, avec ce qui s'est passé à l'université la semaine dernière, je suis un peu à cran, et avec le boulot j'ai pas encore pu me reposer vraiment. Et j'ai l'impression que tout le monde me rappelle cet épisode. J'ai failli me faire tuer, et on ne cesse de me le répéter. J'aimerai juste l'oublier, mais la cicatrice qu'à laisser la balle qui a effleuré mon épaule ne semble pas vouloir me laisser l'oublier. Donc ce cours, je l'espère, va me faire penser à autre chose pendant quelques heures. Il est 17h45, je voulais passer à l'appart' pour me changer avant, c'est raté. J'aurais aimé être dans des vêtements plus confortable qu'une jupe allumette et un tailleur, ce n'est pas top pour cuisiner. Je voulais aussi prendre une bouteille de vin, mais je vais vraiment être en retard si je m'arrête en acheter une. Oh, quoiqu'on sera dans un café, il doit bien y avoir du vin là bas, je payerai ma tournée, c'est plus simple.

18h pile. Je ne sais pas comment j'ai fait, mais au moins je suis à l'heure. Même pour ce genre de petits rendez vous, je n'aime pas du tout être en retard. J'entre donc dans le kaffe, j’aperçois Solvej & Else. « Bonjour ! » « Edith ? Elva ? Lone ? Est-ce que tu prendrais bien une petite tasse de thé ? Noir ? Bergamote ? Citron ? Avec une pointe de lait ? »Oh, ses propositions restent sobres... Mais j'ai vraiment envie d'un petit truc alcoolisé. « T'as pas une bière, ou un bon p'tit vin ? Enfin, de l'alcool, mais pas trop fort, pour commencer. » Je pose mon sac dans un coin, et m'assois à une chaise la regardant aller vers le bar.  « On prépare quoi aujourd'hui, alors ? » J'espère que c'est pas quelque chose de compliqué. J'ai pas envie de me prendre la tête avec la cuisine, si je viens ici c'est surtout parce que ça me change du boulot, et du monde dans lequel je vis. C'est plus un moment détente qu'un cours de cuisine pour moi, mais ça m'oblige à cuisiner un peu. Et puis les filles sont sympa, c'est toujours agréable d'être ici avec elles. Et puis depuis que je viens ici tous les mardis, je me surprend à avoir envie de cuisiner un peu plus souvent à la maison.