Hummel, parce que c'est le nom du père, parce que le nom des autres on en veut pas. Ce sera toujours nous. Et le reste, on s'en fiche un peu. Else, El, Elle. Comme si j'étais insignifiante, fade, banale, invisible. Elle. Quelque part, une étrangère parmi les autres. vingt-cinq ans que ça tourne pas rond. le lièvre de mars, qui ne tient pas en place, hyperactif, qui te casse une tasse au nez, te casse les oreilles, te casse les pieds. une tasse ébrechée sur le rebord, le seul truc que j'ose pas lancer dans la tête des gens, contre le mur de ma chambre. le laboratoire pour tout tester, ça s'appelle un salon de thé, mais c'est l'endroit le plus merveilleux du monde. Des étagères remplies du thé encore et encore. A devenir fou, du thé partout. c'est l'enfer, la prison. Rien que le lycée c'était l'horreur, c'est finit maintenant. peut-être qu'un moment il y a eu Stig, peut-être qu'en ce moment y a Mikkel qui attend au pieu, peut-être bien. Mais la liberté c'est mieux. angélique - apaisante - bavarde - coléreuse - désordonnée - déréglée - souriante - paranoïaque - hyperactive - anxieuse - posséssive - rancunière - fourbe - hystérique.

ALBIN LARSEN,
médecin de famille.

“ La patiente Else Hummel. Elle est, effectivement, venue à plusieurs reprises pour être diagnostiquer, ou du moins pour trouver une quelconque maladie qui expliquerait son comportement. C'est Monsieur Hummel qui a insisté pour qu'elle revienne plusieurs fois et a même demandé à ce qu'elle voit des spécialistes. Mais cette petite n'a rien de bipolaire, elle sourit souvent, et ce n'est pas parce qu'elle jette de temps à autre des objets sur les gens -toujours d'après Monsieur Hummel- que ça en fait d'elle une personne bipolaire. Au contraire, pour ce genre de cas il serait peut-être préférable de se pencher sur le dossier de son frère.
En revanche, concernant Else Hummel, j'ai pu noté quelques troubles du comportement. C'est une personne anxieuse et stressée, voir à tendance paranoïaque. Elle a déjà interrompue nos séances à plusieurs reprises pour me demander si j'avais entendu un bruit, ou alors si notre entretient était filmé, voir même si je n'étais pas, moi-même, entrain de me moquer d'elle. Je pense que c'est un cas à ne pas mettre de côté, mais imposé un traitement directement à Mademoiselle Hummel reviendrait à la bloquer et faire perdre toute confiance, même minime soit-elle, qu'on ai réussit à installer entre nous.
De plus, elle ne tient pas en place, elle est toujours entrain de bouger, qu'on soit entrain de parler ou non, Else Hummel ne reste pas assise à sa place. Dès fois si, elle est là flanquée dans son fauteuil et agite frénétiquement la jambe ou tapote sur l'accoudoir à l'aide de ses doigts. Ca peut trahir un signe d'anxiété, mais la plupart du temps, chez elle, il s'agit d'une traduction d'hyperactivité. Elle l'a elle-même confié, elle ne supporte pas d'être assise à ne rien faire.
Elle présente aussi une cicatrice d'environ trois centimètre sur toute la surface avant du majeur. Else Hummel a confié que cette cicatrice de brûlure date de lorsqu'elle était enfant et qu'elle se l'est infligée elle-même, ainsi que son frère qui possède la même, en guise de ''pacte''. Certainement pour se jurer d'être ensemble quoi qu'il arrive.
Mademosielle Hummel avoue ne pas supporter sa famille recomposé et sa demi-soeur, et il semblerait que le seul moyen qu'elle ai pour ne pas y penser c'est lorsqu'elle travaille dans son ''laboratoire''. En réalité il s'agit de son salon de thé où elle s'amuse à y expérimenter divers thés et pâtisseries.
C'est aussi une grande fumeuse. Peut-être pour simplement pour calmer son stress. Certes c'est une mauvaise habitude, mais c'est sans doute la moins pire de celles qu'elle a déjà, dirons-nous.

Un bout pour te rendre grande, un autre pour te rendre petite. Et ce que les adultes te servent, c'est simplement pour te faire croire, mais ça ne fait rien. N'est ce pas Alice ? Ca t’assommes, tu t'ennuies. Rien n'est mieux qu'ici, que la grande table pour l'heure du thé, l'heure du goûter. Un bout de gâteau pour te rendre ta taille normale. Pour boire du thé. Tu reprendras bien un peu de sucre ? Du sucre, sucre, sucre. Je marmonne. Lève la tête. Sourit. C'est ça. Il y a plein de monde, ce sont des visages familiers. Des gens. Un Chapelier. On dit qu'il est fou. Il pousse un gâteau vers la blonde. Alice. Je lui sers une tasse de sucre. “ Tu prendrais bien un peu de thé avec ton sucre ? ” Une, deux, je verse. La presse de mordre la tasse. Mais vas-y ma fille, croque la à pleine dents sinon ça va te rester coincer dans la gorge. Elle fait sa mijaurée. La tient du bout des doigts. “ TU. VAS. BIEN. LA. BOUFFER. TA. TASSE. OUIII ? ” La tasse dans ma main vole. Vise sa tête de greluche. Vise la blonde. Vise le nez. Vise la cervelle. Le sang. J'applaudis. Mais c'est de la marmelade, de la fraise. Je lèche la confiture sur mon nez, c'est le Chaperlier qui s'est imposé avec sa cuillère. Faut pas la blesser, blablabla. Et y a l'autre avec son sourire qui tente de lui voler son chapeau au Toquet, mais sans ça, ça sera plus le Chapelier Fou. Il sera juste Fou. Alors Fou commence à gueuler. Et Alice crie au chat. Chat ? Chat. Chat ? Mais la souris saute partout, elle flippe. Ca me met de bonne humeur tout ça. J'attrape la théière et la balance au milieu de la table en m'écriant : “ VOUS REPRENDREZ BIEN UN PEU DE THE ???! ” Le Chapelier l'évite, par habitude, Alice s'est fait la malle sous la table, le Cheschire Cat se fend la poire, c'est dans ses habitudes. Il a le sourire le plus grand du Pays des Merveilles, il fait tout le tour de sa tête. Et je crois que j'ai touché quelqu'un, parce que j'entends des gens qui parlent de couper des têtes. Têtes ? Têtes. Tê. Thé. Vous reprendrez bien un peu de thé ?

Sweet dreams are made of this who am I to disagree ?
Ils sont là, toujours. Ils prennent une place énorme, ils te rongent, te bouffent de l'intérieur. Grandissent. Finissent par te pourrir. Ces sentiments, ils explosent ton cœur, implosent tes os. Et tu implore. Pour que ça s'arrête, pour que ça se termine, parce que c'est trop difficile. Et ça te tourne tellement dans la tête que ça te détraque, que tu souris, que tu vois tout ça, et que tu trouves que c'est bien. J'ai jamais rien compris à la danseuse, la voltigeuse. Elle tourne en rond sans se lasser, elle danse, danse, et encore. Elle ne tombe jamais. Elle a toujours les pieds enfoncés dans la boîte. Pourquoi personne la libère ? La poupée de plomb. Qui danse, qui tourne, encore. Et un jour j'ai réussis. Fallait pas tirer dessus, fallait tout casser. En mille morceaux. Un jour comme ça, dans une colère, dans l'envie de tout casser. Après les verres, les chaises, les vases, fallait balancer la boîte à musique. Elle a claqué contre le mur, j'ai cru que moi aussi, comme si c'était moi la danseuse. Qui tourne en rond. Et elle a éclatée au sol, roulée, libérée. Elle avait les jambes coupées. Alors ça ne servait plus à rien de la garder. Et dès fois moi aussi j'tourne, et les gens ne comprennent pas. Mais moi je sais que c'est la danseuse. C'est celle que j'ai sauvé.

C'est pas comme maman. Elle j'ai pas réussis à la sauver, elle était déjà toute cassée quand je suis née. C'est comme un truc qui pourrit et qui continue à grandir. C'est comme gratter une saleté du bout de l'ongle, elle finit juste par plus s'incruster. J'avais bien envie de lui dire que ça allait aller, qu'il fallait pas écouter le monstre à l'intérieur. Mais j'crois pas que ça lui aurait fait un bien fou. Je crois qu'elle lui a déjà parlé, je l'ai déjà vu se coller au mur et parler. Parler à l'ombre. Parler au truc qui est à l'intérieur. Qu'elle ose même pas regarder droit dans les yeux sans flipper. Le regard sagement dérober. Elle se laissait détruire. Et il parle, le monstre. Mais il ne faut pas l'écouter, faire comme s'il n'était pas là. Ne pas l'écouter. Mais elle a loupé son coup, maman, elle a pas réussit à le faire taire. Elle a toujours douté. Jusqu'à ce qu'elle n'ai plus la force de lutter. Jusqu'à ce qu'elle finissent les pieds dans le vide. Le petit chat roux, la corde autour du cou. Peut-être que j'aurais du tenter de retirer l'âcre de son cœur avant. L'âcre suicidaire. Arrière goût de sang, un amer goût de fer, arrière goût de sang. Mais c'est trop tard maintenant, le monstre a gagné, le monstre gagne toujours. Alors je veux être un monstre. Je veux gagner. Je ne veux pas finir pareil, je ne veux plus être la danseuse, je ne veux pas tomber et ne jamais me relever, je veux être forte. Je ne laisserais pas le monstre prendre possession de moi. Je serais le monstre. Je ne serais pas maman.
C'est alors qu'elle s'imagine la pelle s'enfoncer dans la terre, puis dans sa tête.

Et il y a cette autre famille. Parce que papa ne peut pas rester seul, il est pas assez fort. Il croit que je suis folle maintenant, il pense que Kaj aussi, mais il ne veut pas le dire. Kaj. L'autre partie, le sang de mon sang, la chair de ma chair. L'entité, le double. La faim au ventre, l'étouffer dans mes bras. Lui montrer qu'il manque à mon corps, à la carcasse sans chaleur. Le corps vide. Prouver mon ardeur. Ne vivre que pour nous, oublier le reste, le passé, s'amuser de tout. Et s'il faut être fou, autant l'être à deux. Ne pas laisser l'autre famille s'immiscer, c'est juste Kaj. Kaj. Kaj. Kaj et moi. Juste nous deux. Je te parle, me parle, comme si c'était toi. Je n'ai pas besoin d'avoir quelqu'un d'autre. Pas besoin de ces gens. De tourner en rond. Il faut juste un nouveau jeu maintenant qu'il n'y a plus les chats, maintenant qu'ils ne sont plus là. Il faut trouver quelqu'un d'autre. Bercer d'autres rêves.

Un, deux, et genoux rentrent dedans, le sol est mou. Tout devient lent. Enfoncée, happée, prisonnière. Caresser ses cheveux blonds, lui fait croire qu'elle est en sécurité. Enfant choyée. Lui faire croire qu'on va l'aimer. Le sourire aux lèvres, sourire bienveillant, elle y croit, elle a cet air d'enfant, cet air de gosse. C'est affligeant. Mais toujours ce sourire, c'est comme ça, depuis toujours il y a ce sourire collé sur mon visage. Et elle se laisse avoir, comme tous les autres, comme tous ceux qui ne retiennent pas la leçon. Ceux qui se laissent endormir. Sourire d'enfant, sourire d'innocence. Esprit aliéné. Quand la bête et l'agneau ne font qu'un. Que personne ne le sait. Lui faire croire que ça va aller, pour mieux lui enfoncer la tête sous l'eau. La noyer. “ Ca va aller. ” je murmure à son oreille, mes doigts se resserrent un peu dans sa chevelure blonde. Ca va aller. Il faut endormir la belle, lui faire croire à des mondes merveilleux. Elle n'a aucune idée du monstre. Elle ne sait pas. Le mal s'obtient par le corps. Et c'est elle que j'ai envie de détruire, de déchiqueter, de dépecer. Elle. Ca aurait pu être tout le monde, mais c'est Elle. Else. Il n'y a pas de place pour une autre Elle ici, il est temps qu'elle le sache. Qu'elle regrette d'être venue ici. Détruire sa vie, diriger ses rêves, diriger ses cauchemars. La faire mourir de peur. Il n'y a pas de place pour cette gamine ici. C'est l'histoire de trois p'tits chats, maintenant ils sont plus là.