Nous marchons d’un pas pressant, tout en parvenant à garder nos distances. Ne pas élever les soupçons est la chose la plus primordiale dans notre métier. Enfin, si on peut appeler cela un métier. Je vois déjà le regard des gens désapprobateurs. Non, non, voler n’est pas un véritable boulot, nous diraient-ils. Pourtant, voler me permet de vivre et me ramène de l’argent. C’est parfois un dur labeur. N’est-ce pas là la définition même d’un travail ? Anja se promène tranquillement, probablement loin, très loin d’imaginer ce que deux jeunes femmes, à l’allure innocente, comme nous sont prêtes à lui faire. Lui voler son bien le plus précieux (même si j’avais du mal à comprendre comment un bout de tissu puisse être si important.) Pia avait demandé mon aide, et je n’avais pas cherché à la questionner. J’espérais juste avoir une récompense à la fin de la mission. Elle pensait certainement que j’étais plus agile, plus réfléchie qu’elle. Capable de subtiliser quelque chose sans que la victime s’en rende compte. Anja s’assoit sur un banc, près de la jetée. Je jette un regard vers ma partenaire et lui fait signe de s’approcher. Peu importe ce que je m’apprête à lui dire, personne ne doit entendre nos échanges. « Il faut qu’on l’approche. Simplement, discrètement. Disons que nous sommes deux amies, voulant s’assoir sur le banc, éreintées après une longue journée de marche. Elle ne se méfiera pas. » J’attrape le bras de Pia et la serre contre moi. N’est-ce pas ce que toutes les amies font lors d’une promenade ? J’avais déjà observé des groupes d’amies, il me semble qu’elles se pavanaient toutes de cette manière. Je ne pourrais pas appuyer cette théorie avec ma propre expérience : je n’avais jamais eu de véritable amie, du moins pas une avec laquelle j’aurais été prête à passer une après-midi entière. Arrivée près du banc, je jette un regard interrogateur vers Anja. « Bonjour. Peut-on s’assoir ? » Règle numéro : toujours apparaître la plus polie possible. Personne ne se méfie, ainsi. Elle hoche lentement la tête, et se pousse pour que ma supposée amie et moi puissions s’assoir côte à côte. Mais étrangement, nous choisissons de nous assoir de chaque côté de notre future victime. « Quel beau temps. » je murmure à l’attention de ma voisine. Je descends le regard vers les mains d’Anja, et un sourire éclaire mon visage. « Quel beau ruban, vous avez là ! » dis-je d’un air étonné. Je lève le visage vers Pia et lui adresse un clin d’œil. La première étape vient juste de débuter.