söderqvist-renner. il n'utilise que le premier. madsen sur le papier. il n'a jamais utilisé que mads. vingt-six ans. de nationalité danoise et d'origine britannique. protecteur dans la brigade rubis. trois ans. protecteur. sinon, il est documentaliste à l'université d'odense. il a soutenu une thèse de lettres anglaises à l'université d'odense et y a obtenu son doctorat. célibataire sanguin, bagarreur, irresponsable, fonceur, immature, perfectionniste, bosseur (même s'il fera mine que non : grand faux modeste en puissance), de mauvaise foi, un peu sociopathe, grande gueule, insolent, vite boudeur, parfois enfantin, canaille, cynique, léger, agaçant, bienveillant, souriant, blagueur, fanfaron, cultivé, bipolaire, grognon.

NICOLAJ KOPP (colocataire à l'université) ○ j'ai su que ce mec était taré lorsqu'il m'a dit que son livre préféré était Mysterious Skin. Sérieusement. C'est d'ailleurs la première chose qu'il m'a dit. Salut, je m'appelle Mads, mon livre préféré est Mysterious Skin, on est bien installés ici, non ? Franchement, ce gars est incompréhensible. Il adore les films d'horreur ; mais il ne possède que des films romantiques à l'eau de rose. Il met que des caleçons à l'effigie de super-héros et, paradoxalement, peut vous parler des heures durant de la poésie anglaise du dix-septième siècle. Sa chanteuse préférée est Avril Lavigne et il n'utilise jamais d'écouteurs. Il a suffisamment d'argent pour dévaliser tous les magasins du monde mais il s'habille tel le clochard moyen. Il s'égosille la moitié de la nuit pour vous forcer à vous lever de votre lit, alors que vous avez un examen le lendemain, et ce, juste pour vous demander d'aller vous promenez avec lui. En plein milieu de la nuit. Ce mec est insupportable. Vraiment. Il est complètement siphonné mais c'est le prototype du mec auquel tu obéis parce que t'as pas envie qu'il t'ait dans le collimateur. Des fois, il a des yeux de fou, on dirait qu'il va te sauter dessus et hurler à la lune comme un loup, sans mentir. C'est un fou. Je l'ai vu tabasser des gars à la sortie des bars sous le prétexte qu'ils l'avaient mal regardé. Même si j'ai jamais pigé pourquoi, tout le monde l'appelle Crevette alors que je vous jure, c'est bien le dernier animal auquel tu penses en le regardant. Incompréhensible.
OTTOLYNN SÖDERQVIST (petite soeur) ○ j'ai su que mon frère était taré lorsqu'il a frappé mon copain de quand j'avais quinze ans. Il n'avait rien fait de mal. C'était notre voisin depuis longtemps et notre ami d'enfance à tous les deux. Il portait des jolies chemises et il avait un sourire à vous faire fondre une statue. Mais il l'a frappé si fort que depuis, son sourire, on dirait plutôt un trou noir. Je l'aime beaucoup, mon frère, mais il me fait un peu peur. Il est complètement irresponsable, on dirait qu'il a zappé la partie je paie mes impôts, je trouve une femme, je lui fais des enfants, je vis vieux de la définition du mot vie. Non. Lui, c'est plutôt je paie un peu trop tard, je couche à droite à gauche, je change de trottoir quand je croise un mioche et ça me fait un peur parce que je sais pas trop où il va dans la vie, genre un pied devant l'autre, ok. Mais il serait peut-être le temps de se mettre à courir, hein ? Vingt-cinq ans, jamais eu une relation stable, il sort tous les soirs, il dort à peine, il a déjà trop de secrets. C'est mon frère et je sais qu'il s'en sort toujours mais bon, tu sais, quand ton frère il s'appelle Mads et il est complètement mad, tu te fais vachement de soucis.
LARS PETERSEN (psychologue de boulevards et ami) ○ j'ai su que ce mec était taré quand je lui ai parlé pour la première fois. Sans compter le fait qu'il passait impunément du coq à l'âne, il avait aussi la glorieuse habilité de faire passer entre chaque phrase une remarque acérée, une critique, une méchanceté. Je pense que c'est un simple système de défense mais bon, allez savoir ce qui se passe dans la tête de ce garçon... C'est certainement l'énigme la plus bavarde, la plus violente et la plus changeante que je ne croiserai jamais. Tout ce qu'il fait, il le fait sans raison ; tout ce qu'il dit, il ne le pense pas. Il ne réfléchit pour ainsi dire jamais sauf quand vous lui collez un clavier d'ordinateur ou de machine à écrire sous les doigts. Il est trop... il est trop trop.
(beaucoup de gens s'accordent à dire qu'il est taré)

« En fait, ce qui me manque, c'est vraiment les bals. Genre Cendrillon t'sais. Genre elle virevolte et elle virevolte et PAF! plus d'chaussure. Putain mais quelle vie de merde elle a celle-là aussi. Genre la meuf t'sais on lui a tout fait trop parfait genre tous les fringues au poil et tout, sur mesure, tranquille banane quoi et PAF! y'a un truc qui merde. Si ça se trouve, elle avait un pied plus grand qu'l'autre, t'sais. Faut jamais accepter les cadeaux des fées. Elles font pas attention quand t'as un pied plus grand que l'autre. » « T'es encore bourré, mon gars. » Le brun leva un regard éberlué sur son voisin de comptoir. Oui, il était un peu bourré. Un peu beaucoup même. Il plissa des yeux pour s'aider à discerner son poto de tise mais impossible de le reconnaître. Il était fort possible qu'il vienne à peine de le rencontrer. « Merde, mec, j'croyais que j'te connaissais. » « On se connait, Mads. On est allés au lycée ensemble. » « Nooooooon ! Séééérieux ? Purée mec. Je t'avais pas reconnu. T'as changé de lunettes ? » « Je n'ai jamais porté de lunettes. » « … ah. » Pourtant, Mads, il avait une bonne mémoire. Genre une très bonne mémoire. La mémoire qui fait que tu te souviens de l'emplacement de la troisième virgule sur la trois-cent et unième page de la Bible tu vois. Mais dès qu'il buvait un peu trop d'alcool, il n'avait plus aucune mémoire, plus aucune ouïe, plus aucune vie, plus aucune retenue, plus rien. Il buvait un peu trop souvent. Certains disaient que c'était pour oublier. Mais il n'avait jamais rien eu à oublier. D'autres disaient que c'était parce qu'il s'ennuyait. Mais il s'amusait plutôt bien dans sa vie, en fait. Non. Il buvait parce qu'il buvait. Parce que son père détestait l'alcool et qu'il voulait contrarier son père. Parce qu'un shot, c'est moins cher qu'une pute. Parce que toutes les raisons du monde sont bonnes pour boire.

Il avait l'alcool un peu triste et un peu philosophique – mais ça, il l'était tout le temps. C'était le genre de gars insupportable qui, dès qu'il mettait des lunettes, avait un ton snob, lent et articulé pour bien que vous compreniez, vous, pauvres mortels incompétents. Mais il n'était pas méchant. On pouvait lui trouver plein de défauts mais pas celui de la méchanceté. Il était juste... il était juste lui. Il fumait trop, il buvait trop, il ne semblait rien prendre au sérieux. C'était d'ailleurs ce que lui avait reproché sa dernière copine officielle en date d'ailleurs. Tout n'est qu'une blague, pour toi ? et blablabla. En tout cas, il s'était vachement foutu d'elle lorsqu'elle avait parlé tellement vite qu'elle avait mélangé ses mots. Elle avait répliqué par une gifle. « Tu deviens quoi ? » finit-il par demander, faisant tourner son parapluie en papier dans son cocktail. Qui était d'ailleurs dégueulasse. Honnêtement, si les Dragibus noirs pouvaient être pressés en liquide, ce dernier aurait le goût de ce cocktail. Mads détestait les Dragibus noirs. « Pas grand chose. Et toi ? » Moi, mec, je vis ma vie à cent à l'heure, putain, je suis trop content. Bon, ok, c'est pas cool, genre t'as les personnages de conte un peu partout (et Cendrillon-qui-a-un-pied-plus-grand-que-l'autre) et franchement, c'est pas tranquille banane ou quoi parce que tout le monde pense que c'est d'not' faute mais qu'est-ce que je prends mon pied (pas celui qui est plus grand, l'autre). Comme quoi, les discours de Mads étaient un peu trop flous la plupart du temps. Généralement, il disait juste ce qu'il avait envie de dire, sans trier, sans rien. Ca rentrait, ça sortait, voilà, ce qui était fait était fait. Mais tu vois, quand t'es protecteur et que t'es bourré, faut éviter. Bon, ok, parfois, les gens pensaient que c'était juste tes élucubrations d'ivrogne. Mais bon. Après si tu commences à réciter le Code tout par coeur et tout, hein... « Au poil, mec, comme d'hab' ! Je suis sur des montagnes russes qui ne font que monter ! » Il aime bien glisser des citations ça et là, pour voir si les gens vont réagir. Son ancien camarade de classe le regarde d'un air consterné avant de replonger dans son verre.

Bon. Bien essayé. Mads soupire en finissant son verre d'un œil morne. Il dépose quelques couronnes et quelques øre sur le comptoir pour faire l’acompte avant d'aller, cahin-caha, vers la sortie. Il regarde le ciel noir en enfonçant ses poings serrés dans ses poches. Il ne connait pas le nom des étoiles mais essaient de les relier en constellations pour leur trouver des formes rigolotes. Y'en a une qui ressemble à un pénis et il lui donne le nom de sa dernière copine en date. Quelle salope n'empêche. « Deuxième étoile à droite et-- » il se retourne pour parler à son ancien camarade de classe mais il n'est pas là. Il est resté au bar. Debout sur la chaussée, il regarde par delà son épaule avec un air perdu, comme sérieusement offensé par l'absence d'un gars qu'il a méprisé, lorsqu'il était au lycée. Il méprisait un peu tout le monde. Le mec qui a tout, le mec bourge, propulsé à vitesse grand V dans un lycée publique après s'être fait virer de l'ancien, privé. Le mec qui méprise tout le monde. Le mec insupportable. Lui. Il ne se souvient même pas de son nom, au mec. Per ? Peter ? Keiner ? Ca se finissait en -er. Il était sûr à quatre-vingt-trois pourcents que ça se finissait en -er. Il avait un jour fait une rime avec loser. « Foutue vie. » grogne-t-il en allumant une cigarette, après l'avoir glissée entre ses lèvres. Il continue à marcher, sans trop savoir où il va, faisant des doigts d'honneur aux voitures qui passent trop vite pour le voir, disant au monde d'aller se faire foutre. Il va tellement, tellement vite le monde. Lui non plus, il ne le voit pas. On le regarde tellement, Mads, qu'on ne le voit pas. Le caméléon de la vie. Il jette sa clope à moitié consumée parterre et l'écrase, finissant par s'asseoir sur le bord du trottoir. « Je vais fermer les yeux et l'amour de ma vie va surgir. On ira manger une glace, on s'embrassera dans un abribus et on ira en boîte. » Il ferme les yeux.
Un.
Deux.
Trois.
« Bonjour, je suis perdue, je cherche mon chemin... merde je me parle encore à moi-même. Foutue vie. »